En 2009, dans une librairie de livres usagés de Paris, je tombe sur un livre, « Les origines ethniques des Européens », par Georges Cerbelaud Salagnac. Ça parle d’ethnies qu’on connait bien, comme les Estoniens (?) ou les Portugais, mais aussi d’autres noms plus mystérieux, comme les Vepses ou les Anatoliens. Ça fait un gros livres d’histoire, sous l’angle des origines des nations, qu’elles existent encore maintenant ou non. Je le ressors aujourd’hui pour différencier les Russes et les Ukrainiens, dans ma section préférée, celle des Slaves. Je me suis dit que ça ferait une source plus crédible que Wikipédia!

Je trouve que c’est important de parler de ce sujet parce que c’est revenu souvent dans les conférences. J’avais parlé des frontières un peu floues de la Russie selon Putin, qui pouvaient expliquer ce besoin de vouloir « reprendre » le territoire qui selon lui reviendrait de droit à la Russie à cause des anciennes conquêtes. J’ai parlé aussi du rôle de « sauveur » dans cette « intervention », pour protéger les habitants de l’Ukraine. On se plonge là-dedans un peu plus.

Selon Putin, son but est de « libérer les vrais Ukrainiens ». Mais qui sont les Ukrainiens? Alors dans le sens moderne d’aujourd’hui, ça pourrait simplement être les gens qui possèdent un passeport ukrainien, qui sont nés en Ukraine, qui habitent en Ukraine, qui ont la citoyenneté. Mais cette distinction ne justifierait pas une intervention militaire. C’est que en fait, l’histoire des Russes et des Ukrainiens est étroitement liée. Comme d’ailleurs tous les peuples en Europe. Ce n’est pas un si grand territoire, par rapport à toutes les ethnies qui l’ont partagé au cours des derniers siècles. Si je me fie à mon livre, plus de 200 ethnies ont cohabité en Europe. Donc forcément, ils se croisent, se mélangent, s’attaquent, s’allient. Je n’irai pas dans les détails parce que je ne veux pas produire de thèse là-dessus et c’est ce qui risque d’arriver si je ne m’arrête pas. Je vais donc simplement citer que dans ce livre, et comme dans certainement tous les livres objectifs qui parlent de l’histoire de l’Europe, les Russes et les Ukrainiens sont deux ethnies distinctes mais très proches. Les Ukrainiens, ou comme l’auteur les appelle, les Ruthènes, seraient de la même « tribu souche » que les Russes, à peu près sur le territoire de l’Ukraine actuelle. En gros, les futurs Russes se seraient déplacés à l’est de la ville de Kiev (oui, déjà), tandis que les futurs Ukrainiens sont restés dans ses environs. Et forcément , on parle des années 1000, les contacts ne sont pas évidents, donc avec le temps les dialectes et les coutumes se différencient. De façon générale, et si on passe par-dessus les guerres et les mariages qui ont rythmé cette époque, les Russes et les Ukrainiens (et les Biélorusses, et d’autres tribus slaves qui ont fusionnés avec des groupes plus connus avec le temps) proviennent des mêmes tribus à la base, puis se sont promené et ont évolué. Si leurs langues et coutumes sont semblables, ça ne veut quand même pas dire que c’est aujourd’hui on même peuple. C’est comme disons les Québécois et les Français. On parle deux dialectes mutuellement intelligible du français, ça ne fait pas de nous des Français, et vice-versa!

Voici l’Europe dans les années 1000. On voit bien vers où les futurs Russes se sont déplacés (Rus land). Les futures Ukrainiens, soient les tribus Tiverstes et Pechénègues, sont sur le territoire de l’Ukraine actuelles (en-dessous du territoire russe)

Et la section du livre conclue par: « Aujourd’hui, les Ukrainiens sont chez eux dans une république proclamée dès 1918, avec comme capitale Kiev, et qui a retrouvé en 1945 ses frontières traditionnelles, mais bien entendue en tant que république soviétique fédérée. C’est en 1991, avec l’effondrement de l’Union soviétique, qu’elle s’est proclamée indépendante. […] Si les Ukrainiens y sont pour 74 pour cent, la minorité russe s’élève à 21 pour cent » (p.268).

Alors, le livre a été publié en 1992, donc les chiffres ont bougé un peu, mais ça reste que ça montre que malgré une origine commune, les Russes et les Ukrainiens sont devenues deux ethnies distinctes. J’ai inclus la phrase sur la minorité russe, parce que c’est un point important dans le conflit actuel. J’en ai parlé souvent, il y a une forte minorité russe en Estonie, en Ukraine, bref, dans toutes les anciennes républiques soviétiques. C’était stratégique! Pendant la période de l’Union Soviétique, comme on a vu avec les déportations en Estonie, les autorités soviétiques n’étaient pas tellement appréciées par les populations locales à cause de leurs actions douteuses. Une bonne façon de s’assurer du support envers Moscou était d’encourager l’émigration des Russes vers les autres républiques soviétiques. Ça permettrait « d’étouffer » les plaintes des locaux parmi une population idéalement de plus en plus russophone. Ça a un peu fonctionné, dans le sens que de nos jours, un touriste pourrait voyager de la Lituanie au Turkménistan simplement en parlant russe! Et quand l’Union Soviétique a éclaté en 1991, beaucoup des Russes ne sont pas retournés en Russie… ça faisait deux, trois ou quatre générations qu’ils habitaient en Ukraine par exemple, c’était rendu chez eux!

C’est déjà rendu beaucoup trop long donc je m’arrête ici pour aujourd’hui. En conclusion, en Ukraine, il y a des Ukrainiens et une minorité assez importante de Russes ethniques (et aussi quelques autres ethnies et immigrants, des étudiants étrangers, etc.). On verra demain probablement ce que ça a à voir avec le conflit actuel, et qui seraient donc ces mystérieux « vrais » Ukrainiens qui auraient besoin d’une intervention militaire russe pour se défendre.

4 commentaires »

  1. À mon avis, il aurait pu ouvrir les frontières aux gens qui voulait sauver. Après tout, il a de la place en masse en Russie. Quitte à utiliser le matériel militaire pour transformer les montagne russe en plaine et y construire des villes.

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  2. Est-ce que l’Estonie et ses voisins baltes sont les prochaines cibles ?
    J’espère que non.

    Peux pas concevoir un dénouement à ce dégât tant que Putin sera aux commandes…

    Mais un « accident »pourrait si vite arriver…non?

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