De retour après quelques jours d’absence passés à écrire un texte sur le démantèlement de la Yougoslavie pour un cours, et là je reviens aux déportations… ça change le mal de place!! Blague à part, ça pourrait être un futur sujet si ça vous intéresse, et j’ai d’ailleurs très hâte de retourner en Serbie et pays voisins, donc j’aurai des illustrations 😉

On en était aux départs en train, et je voulais en profiter pour faire une parenthèse sur les prisons, ce qui, étrangement, se rattache super bien à une demande spéciale de parler des plages de l’Estonie.

L’Estonie est un pays au bord de la mer, avec des centaines d’îles, donc ce ne sont pas les plages qui manquent. Dans mon cas, ça a plus été le temps qui a manqué. J’ai été sur 3 « vraies » plages, qui donnent sur la mer, et 1 « fausse », sur le bord d’une rivière. Et la seule fois que j’ai touché à l’eau, c’était sur l’île de Saaremaa, et c’était pas mal froid. Même s’il y a eu une canicule en juillet, le mois d’août était déjà redevenu frisquet, il vente constamment, et la mer Baltique de base est froide.

Vue sur Tallinn à droite

Tallinn est située au creux d’une baie et est bordée par 2 plages. À droite, c’est la plus connue, la plage Pirita. Elle fait plusieurs kilomètres de long. À son bout, elle est pratiquement en face de Tallinn et donne une vue imprenable sur la ville. C’est la plage plus touristique. La partie la plus loin est pleine de roches et donc moins fréquentée, mais en se rapprochant, ça devient une belle plage de sable avec des terrasses et des hôtels. Quelques baigneurs courageux en profitaient. En plus, l’orientation est parfaite pour les couchers de soleil. Bref, une plage nordique paradisiaque.

Par contre, en se dirigeant à gauche de Tallinn… le décor est tout autre. Bienvenue à Patarei, la prison avec probablement la plus belle vue d’Europe. Du moins, pour les cellules au dernier étage.

Eh oui, à Tallinn, il est possible de penser aller faire une promenade bucolique sur le bord de la mer et BAM!, tomber sur une prison soviétique abandonnée. Ça fait complètement partie du décor, des familles pique-niquent à côté, des jeunes bronzent, les gens passent par le chemin maintenant aménagé pour se rendre au port, de l’autre côté. Quand j’y suis allée, c’était justement très fréquenté parce qu’il y avait une course de bateaux.

Pourtant, il n’y a pas si longtemps, c’était loin de ressembler à cette vue un peu décousue mais paisible. Cette prison a été utilisée par les Soviétiques lorsque l’Estonie est tombée sous leur contrôle dans les années 1940. Et, le lien avec les déportations, c’est que certains criminels (on a vu dans les articles précédents qui pouvait être considéré comme tel) étaient détenus dans cette prison avant d’être jugés et déportés. Beaucoup y ont aussi été torturés et y sont morts, et c’est pourquoi je trouve ça aussi spécial de voir maintenant comment c’est intégré à la plage. En fait, dans les personnes que vous voyez sur mes photos, peut-être que certains ont des proches qui y sont allés.

Pendant les déportations, souvent, le membre d’une famille considéré comme dangereux (généralement un père ou un fils) était emprisonné à Patarei, et, en rétribution, le reste de sa famille était déporté. Imaginez, devoir subir l’enfer d’une déportation parce que son fils est impliqué dans une activité anti-soviétique! Ça peut aussi donner le goût de »collaborer » et dénoncer, pour se sauver soit des déportations, ou de la prison.

C’est une prison soviétique, dans les années 40-50, donc on s’entend que ça n’a rien à voir avec aujourd’hui. Semblerait-il que les cris des prisonniers torturés pouvaient être entendus par les habitants de Tallinn… si maintenant les gens peuvent se promener autour, avant le périmètre était bien sécurisé, comme vous pouvez voir avec les vestiges des clôtures et barbelés. Le bâtiment a à un moment été reconverti en musée, qui est présentement fermé. Pour une fois, rien à voir avec la Covid, c’est que des réparations doivent être faites car ce n’est plus assez solide et des zones sont dangereuses. Ça n’empêche sûrement pas certains téméraires de se faufiler à l’intérieur par les fenêtres des cellules peut-être, et prendre des photos terrifiantes…

L’histoire de la prison Patarei est absolument fascinante, mais trop longue pour raconter aujourd’hui, dans le contexte des déportations. Je réserve ce sujet pour une prochaine fois! Ce n’est pas la première prison soviétique que je visite, et sûrement pas la dernière, donc je pourrai faire une série dessus. Mais, c’était la première prison soviétique que je voyais sur le bord de la mer! Simplement, je voulais mentionner son rôle dans les déportations, puisque c’était à la fois une base pour les opérations de l’Union Soviétique à Tallinn, un lieu de détention pour des futurs déportés, et malheureusement aussi un lieu de dénonciations et d’avancement, où des ex-prisonniers, en échange d’informations, pouvaient passer de l’autre côté des barreaux et envoyer d’anciens camarades en Sibérie…

Finalement, j’ai aussi eu la chance de voir une prison soviétique à Narva, sur le bord de la rivière, avec vue cette fois sur la Russie. Elle a aussi bien été intégrée au décor vacancier, et a été reconvertie en restaurant! De 1945 à 1955, des prisonniers politiques, des civils et des intellectuels, venant de toute l’Union Soviétique, y ont été détenus. Beaucoup y ont été exécutés.

Bref, je trouvais ça un peu farfelu de mélanger les thèmes de plage et prison, de détente et d’horreur, et l’Estonie s’y prêtait bien!

Si vous avez des prisons soviétiques à me suggérer pour un futur voyage, je suis preneuse!

7 commentaires »

  1. Je vais tenter de rattraper mon retard. Une belle visite de quelques jours m’a retenue loin de ma tablette et j’ai aussi beaucoup de lecture qui m’arrive de la bibliothèque et qui suscite davantage mon intérêt!

    Les prisons ne sont pas mes sujets préférés mais le rapprochement avec les plages et les belles photos ont suscité ma curiosité, alors j’ai trouvé le sujet intéressant. Je trouve cependant que ce sentier très fréquenté, entre la prison et les barbelés au bord de la mer aurait dû être réaménagé depuis longtemps!!! C’est vraiment trop lugubre comme promenade!

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  2. Ce sont toutes tes photos dans ce texte? Tu as fait plus de visites que je pensais dans les alentours de Tallinn! Moi j’aime beaucoup que l’histoire côtoie la vie d’aujourd’hui. Ça démontre que l’homme est résilient mais qu’il se souvient.

    Nous on a une prison sur les plaines converties en musée !

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