Suite du dernier article sur l’opinion publique russe, toujours en lien avec la conférence donnée par le Centre for European, Russian, and Eurasian Studies (CERES) rattaché à l’University of Toronto’s Munk School of Global Affairs & Public Policy. On fait un retour en 2014, annexion de la Crimée et de la région du Dombas (est de l’Ukraine). Ça a été disons une annexion « polie », sans affrontements sanglants qui ont fait les manchettes. Alors, en se basant sur cet événement, l’opinion publique russe était très bonne. Ça a été présenté dans les médias comme une opération menée avec succès par une armée compétente. En plus, en 2014, Putin parlait déjà des Nazis en Ukraine, c’était le début de son « sauvetage », donc pour les Russes qui n’avaient accès qu’à cette narration, c’était une bonne chose. Et à ce moment, le fait de présenter l’Ukraine comme étant nazie passait mieux.

Maintenant, avec Zelensky (Juif) dans le décor, ça passe moins bien comme excuse. Et la Russie n’est pas complètement isolée non plus, des gens réussissent quand même à savoir un peu ce qui se passe en Ukraine. Des chercheurs se sont promenés dans des groupes sur les réseaux sociaux pour récolter des informations sur l’opinion russe actuelle de ce qui se passe. Ce qu’ils ont constaté, c’est que ce que raconte Putin est de moins en moins soutenu. Les groupes anti-Ukraine perdent des membres, par exemple.

Et même si les autorités russes tentent de modifier l’information, par exemple en prétendant que ce sont les Ukrainiens qui bombardent eux-mêmes leurs villes, pour expliquer les images de bâtiments détruits qui se rendent en Russie, beaucoup ne sont pas dupes. Les groupes anti-Ukraine, et même les groupes pro-invasion, ne sont pas à l’aise avec toutes les pertes, des deux côtés. Parce que ça ne se passe pas aussi bien qu’en 2014. Et ça soulève des questions. Pourquoi une résistance en Ukraine, alors que c’est apparemment du secours? Ça remet en doute ce que racontent les autorités. Donc en gros, parce que ce n’est pas une simple annexion, parce que ça a dégénéré en conflit horrible, les répercussions se rendent jusqu’en Russie, et la majorité des Russes peuvent donc constater qu’ils ne sont pas d’accord avec ce qui se passe, ce n’est pas ce qu’ils croyaient qui se passait.

Par contre, il faut quand même souligner que les Russes en général ressentent une menace qui vient de l’Ouest. Donc quand ils se font dire dans leur média qu’ils sont en danger, et qu’en plus tout l’Ouest leur tourne le dos et les méprise en ce moment… Par exemple, des sondages montrent que les citoyens Américains considèrent que les Russes sont des ennemis. Mais ces mêmes citoyens trouvent que les Russes devraient agir comme des alliés des États-Unis? Bref, ils comprennent qu’ils ne sont pas aimés. Et les autorités russes en rajoutent, racontent par exemple que les États-Unis et l’Ukraine travaillent ensemble contre la Russie pour créer des virus qu’ils leur enverraient… Ils clament que le gouvernement Ukrainien est la marionnette de l’Ouest, surtout avec les négociations pour rejoindre l’Union européenne. Alors on peut imaginer que les citoyens ordinaires russes se sentent un peu menacés, et ne soient pas contre l’idée que l’armée russe aille les défendre à l’étranger. Et en ce qui concerne les Russes qui publient des messages contre la guerre sur les réseaux sociaux… les autorités russes l’expliquent en disant que ce sont les services ukrainiens qui infiltrent les réseaux russes pour répandre la propagande. Un peu hypocrite?

Bref, ni les chercheurs ni moi savons précisément ce qui se passe. Il y a tellement d’informations contradictoires lancées dans le but de mêler les gens, de les pousser vers une cause, vers l’autre, de les monter les uns contre les autres… C’est difficile d’analyser sur place à cause de la propagande et de la censure, et c’est difficile d’analyser à distance, sans être capable de voir réellement ce qui se passe sur place…