Tel que promis, voici l’analyse du dessert le plus typiquement estonien, mais dont on ne se douterait absolument pas. En tout cas, moi ça m’a vraiment surprise! C’est une sucrerie qu’on connaît bien pourtant, qu’on apprécie pour la majorité, et cependant, avant d’être savouré comme dessert, c’était utilisé comme médicament. J’approuve l’idée que manger du sucre, ça rend heureux, donc en théorie ça règle beaucoup de problèmes, mais dans les faits, c’était autrefois littéralement prescrit en pharmacie. Il s’agit de… la pâte d’amande. Eh oui, cette sucrerie, au lieu d’être un plaisir coupable, a déjà été recommandée par des médecins!!

Comme c’est le cas pour beaucoup de traditions qui datent de plusieurs siècles, les origines de la confection de la pâte d’amande sont inexactes, surtout qu’il y en a partout dans le monde alors c’est difficile de retracer la première confection. La version préférée et défendue par les Estoniens est que ça a été inventé à Tallinn au 15e siècle, mais beaucoup d’autres villes européennes contestent ce statut: les Allemands affirment que le berceau de la pâte d’amande est à Lübeck, les Espagnols à Toledo, les Portugais à Algarve, les Italiens à Palermo, tous au Moyen Âge. Pour le bien de cet article et pour respecter ma dévotion à l’Europe de l’Est, je vais soutenir la version estonienne.

Avant que notre société se mette à ajouter du sucre en quantité industrielle dans pratiquement tout, la pâte d’amande n’était pas particulièrement sucrée, et ça devient plus logique d’imaginer que c’était servi comme médicament. En fait, la légende raconte que c’est un employé de la plus vieille pharmacie de la ville (toujours en fonction aujourd’hui, depuis les années 1400!) qui l’a inventée. Les propriétés médicinales sont quand même réelles: les amandes ont une forte teneur en vitamines, minéraux et fibres. La poudre d’amande aurait apparemment guérit le propriétaire de maux de ventre. Mais, et combiné à un fort effet placebo, la pâte d’amande était surtout réputée pour guérir… les maux d’amour! Et effectivement, quoi de mieux pour un cœur brisé que de s’empiffrer de sucreries? Ça remonte à tout le moins un peu le moral.

Le visuel et le dessert ont vite pris le dessus, et comme les autres villes qui se targuent d’avoir inventé la pâte d’amande, Tallinn conserve précieusement ses traditions artisanales de confection, et présente fièrement le résultat aux touristes gourmands. Les sculptures réalisées sont impressionnantes dans leurs détails, leurs couleurs, leur grande taille, où, au contraire, leur précision pour les petites. Un musée dans Tallinn montre les étapes et le travail des artisans qui passent des heures à peinturer les figurines, formées dans des moules qui datent du 20e siècle! À cette époque, l’Estonie fournissait toute l’Union Soviétique en pâte d’amande. La compagnie Kalev, qui produit aussi du chocolat artisanal à la grandeur de l’Estonie, employait, et emploie toujours, ces artisans du sucre depuis 1864.

Aujourd’hui, la pâte d’amande est l’un des souvenirs les plus « estoniens » à rapporter, et à manger sans culpabilité, puisqu’il s’agit avant tout d’un médicament, ne l’oublions pas! La pâte d’amande estonienne est en plus de bonne qualité, selon la proportion d’amandes qui est significativement plus élevée que celle du sucre. D’ailleurs, la pharmacie à l’origine de cette recette en vend toujours… mais plus besoin d’ordonnance!

Vue la qualité, ça coûte assez cher, donc j’ai pu me permettre des morceaux miniatures, mais ça accentue le travail des peintres, qui ont ici répliqué des bâtiments de la vieille ville:

Pour en savoir plus, et surtout pour voir des exemples de sculptures en pâte d’amande, je vous recommande ce site!