Pas pour un emploi, mais passer des gens en entrevue pour de la recherche. Petite accalmie du côté des conférences sur la guerre en Ukraine, qui reprennent cette semaine avec des sujets dont j’ai hâte de traiter, comme la perspective féministe et la propagande russe. En attendant, en revenant dans la thématique de mes recherches, voici un nouveau sujet. J’avais parlé en temps réel du processus de rédaction, là je replonge quelques mois en arrière pour parler de comment se passe l’entrevue de recherche. Pour bien présenter ce que ça implique ce genre de projet, j’aurai d’autres sujets aussi comme les archives.
Envisager d’utiliser des entrevues, donc le point de vue de différentes personnes dans une recherche, c’est parce que ça apporte des informations précieuses, mais c’est aussi une complication potentielle. Dans la présentation du projet pour qu’il soit approuvé, il y a des documents supplémentaires à remplir, et une formation à faire en éthique de la recherche. Le but étant de s’assurer que cette interaction ne mettra personne en danger. Par exemple, quelqu’un qui travaille sur la politique en Afghanistan pourrait avoir envie de poser des questions à des Afghans. Mais le fait pour eux de donner leur opinion sur ce qui se passe dans leur pays pourrait leur faire courir des risques. Donc, la formation vise à identifier les risques possibles, et à trouver une façon d’orienter la recherche, les questions, ou la façon de participer aux entrevues pour que ça se passe le mieux possible. Généralement, c’est en assurant l’anonymat des participants, par exemple en leur donnant un nom de code au lieu de leur vrai nom. Dans mon cas, ma recherche ne présentait heureusement pas de risque (les gens discutaient de leur scolarité sous un régime qui n’existe plus), mais j’ai quand même dû faire cette formation et remplir des formulaires pour le prouver et pour que le comité d’éthique accepte ma recherche.
Une fois que c’est accepté, il faut trouver des participants, en envoyant des explications sur le projet et un formulaire de consentement, en montrant comment les informations vont être recueillies de façon anonyme. Puisque je recherchais des participants Roumains et Bulgares qui ont étudié le français avant 1989, je me suis tournée vers les Alliances françaises de ces pays (des organisations qui enseignements et contribuent à faire rayonner le français à l’étranger), ce qui m’a permis d’entrer en contact avec des gens affiliés. Une douzaine ont accepté de participer. Comme vous le savez, j’ai pu aller en rencontrer une partie sur place, en Bulgarie, et l’autre partie virtuellement.
Pour me préparer à ces rencontres, j’avais une liste de questions approuvées par mon superviseur. Par contre, et j’en parle dans mon mémoire, je me suis vite rendue compte que beaucoup de ces questions ne fonctionnaient en fait pas. Ce que j’ai découvert entre autres avec ma recherche et mes discussions avec mes participants, c’est que ce qui est décrit dans les livres sur la période communiste en Roumanie et Bulgarie, du moins sur le plan de l’éducation, et ce qui a été vécu par les gens, ça ne concorde pas toujours. Mes questions étaient basées sur mes recherches préliminaires dans les livres, donc j’ai bien vu en commençant à parler aux gens sur place qu’il fallait que je m’ajuste.

Comme j’ai rencontré 12 personnes, j’ai eu le temps de m’adapter et de découvrir que la stratégie qui fonctionne le mieux pour recueillir le plus d’informations possible est de peu parler, et simplement écouter les gens se remémorer leurs souvenirs. Ça a fait des discussions qui allaient un peu partout, mais au final c’est comme ça que j’ai pu avoir accès à des informations qui ne seraient pas nécessairement venues sur le sujet si on s’en était tenu à une liste de questions bien ordonnées. Vous le verrez dans mon mémoire, mais c’est comme ça que mes deux hypothèses de départ se sont avérées fausses. Ça m’a même fait changer mon titre! Je suis donc très heureuse d’avoir fait le choix d’inclure des entrevues dans ma recherche, parce que ça a donné quelque chose de beaucoup plus complet et nuancé que ce que j’aurais trouvé en utilisant simplement des sources papier.
J’étais un peu nerveuse avant ma première entrevue, mais finalement tous les participants ont tellement été accueillants et généreux de leur temps et de leurs souvenirs que je devenais trop fascinée et le stress s’en allait. Ce n’était pas du tout ce à quoi je m’attendais. C’est vraiment une expérience humaine unique! Ça montre aussi la collaboration qu’il y a dans le domaine académique. Les gens sont heureux de faire avancer les recherches de pairs. Au final, j’ai passé des moments inoubliables à discuter en français avec Bulgares et Roumains (et même Français!), pratiquement sans difficulté pour se comprendre malgré les accents et les expressions. D’ailleurs, je vais reparler de la maîtrise exceptionnelle des langues étrangères de leur côté!
J’ai trouvé très intéressant cet article sur ton expérience des entrevues! Le sujet de ton mémoire laissait un bel espace pour que les gens se racontent et les mettent à l’aise finalement. Particulièrement les Bulgares qui ont compris que tu t’étais déplacée jusqu’à eux pour compléter ta recherche. Ce fut agréable pour eux de raconter leurs souvenirs à une vraie francophone.
Et ce fut plus enrichissant pour toi qu’un questionnaire rigide à compléter.
Bonne suite ….
>
J’aimeJ’aime
Je trouve que tu as bien fais de suivre ton intuition malgré le questionnaire de ton superviseur l’écoute et la simplicité amène une confiance beaucoup plus enrichissante. Ces rencontres sont effectivement inoubliables en plus de participer à poursuivre tes travaux qui te tiennent tellement à cœur.
Très intéressant encore une fois.
une belle réussite
J’aimeJ’aime
ça fait ben du sens! Bravo d’avoir adapté ton approche et réussi à connecter avec eux en leur laissant la place à ce qu’ils avaient envie de partager. TOP !
J’aimeJ’aime