La petite fille et ses deux frères font partie des gens sélectionnés pour monter dans le train qui part vers l’inconnu. Même si la petite fille détestait l’endroit où sa mère est morte, où son frère est tombé malade, où ils ont eu froid et faim, elle n’aimait pas l’idée de quitter un endroit et une routine qu’elle connaissait. Ce nouveau voyage en train a été moins pénible, parce qu’il y avait moins de gens dans les trains. La petite fille estime qu’ils ont voyagé presque 1 mois lorsqu’ils s’arrêtent à ce qui semble être une première destination.

Selon les dossiers des autorités soviétiques, la petite fille aurait maintenant 16 ans, puisqu’elle avait menti sur son âge et s’était donné 2 ans de plus pour pouvoir travailler. Ses frères ont 12 et 5 ans. Lorsqu’ils arrivent à cette gare, les soldats nomment le nom de des frères, mais pas celui de la petite fille. Prise de panique, elle tente de venir avec eux, mais des soldats s’interposent. En éclair de lucidité, elle demande le nom de l’endroit où ils se trouvent. Personne ne répond, mais elle finit par voir une pancarte avec le nom du camp. Elle apprendra plus tard que ce camp servait à couper du bois, pour fournir la construction de rails de train par d’autres prisonniers du gulag.

Jeunes prisonniers qui coupent du bois. Même si cette gravure en est de Polonais déportés pendant la Deuxième Guerre Mondiale, le travail et les conditions sont restés les mêmes qu’en 1951 au moment de notre histoire. Image prise sur le site du Kresy Siberia Virtual Museum

Le train repart, la petite fille crie à ses frères qu’elle va revenir les chercher.

Le train bifurque et continue sa route vers le nord. Il commence à faire plus froid même si c’est l’été. La petite fille ne regrette pas d’avoir donné ses vêtements chauds à ses frères, mais commencent à s’inquiéter pour elle. N’importe quoi pour ne pas penser à ses frères. Elle ne sait pas comment elle pourra faire maintenant pour tenir sa promesse de s’occuper d’eux.

Le train l’amène elle et les passagers restant dans un camp pour l’exploitation d’une mine d’or. Comme avant, elle est affectée à une baraque qu’elle partage avec d’autres, des Estoniens, des Lituaniens, des Moldaves. Chaque matin, elle part travailler dans la mine. Le travail avec l’or est plus pénible qu’avec le sel. Les travailleurs plus habitués et plus forts, des hommes principalement, travaillent sur la machinerie. La petite fille et d’autres femmes transportent des caisses. C’est lourd, répétitif, et il faut faire attention de ne rien renverser et surtout de ne pas tomber. Le problème du froid se règle malheureusement de lui-même: les travailleurs peuvent utiliser les vêtements de ceux qui meurent ou sont tués.

Mine d’or de Magadan (extrême est de la Sibérie), image prise sur le site All that is interesting

Séparée de ses frères, la petite fille finit par se lier d’amitié avec ses collègues. À ce point, malgré les différentes nationalités, tout le monde parle russe et peut se comprendre. Elle apprécie surtout pouvoir lire des livres le soir. Même si c’est théoriquement interdit, des déportés ont pu en emporter avec eux et les faire circuler.

Au bout de plusieurs mois, la petite fille gagne une journée de congé. Elle s’est informée autour d’elle, a retenu le nom du camp de ses frères, et sait comment s’y rendre. D’autres travailleurs lui apprennent même que la route entre les deux camps est régulièrement parcourue. Elle doit marcher pendant presque 4h en suivant les rails pour y arriver. Elle a à peine le temps de voir ses frères, qui travaillent à couper du bois, et doit tout de suite repartir pour ne pas rentrer trop tard. Elle ne peut pas en profiter pour s’évader, car si la responsable de sa baraque est interrogée, elle risque d’être tuée.

Image tirée de l’exposition à Paris en 1900 du Transsibérien. Prise sur ce site

Pendant les deux ans qui suivront, la petite fille marchait chaque mois jusqu’au camp de ses frères, sauf en cas de tempête. D’une certaine façon, elle a été extrêmement reconnaissante que, dans toute l’immensité de la Sibérie, ils aient été si proches. Ils pouvaient s’encourager, se parler de chez eux et prendre soin les uns des autres.

On arrive en 1953, Staline meurt. Les répercussions se feront sentir jusque dans les gulags sibériens.

La suite dans le prochain article!

4 commentaires »

  1. Moi non plus je ne trouve pas que tes mises en contexte prennent trop de place je trouve ça important pour se retrouver. Être séparé doit sûrement être une des choses les plus difficiles. J’imagine le soulagement de les avoir retrouvés.
    J’ose pas penser aux séquelles à l’âge adulte de tous ces enfants.

    Aimé par 1 personne

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