
Les histoires que j’ai lues et entendues sont généralement très tristes, avec des bouts horrifiques, mais souvent une fin relativement heureuse, ou en tout cas, pas catastrophique. C’est que les auteurs de ces témoignages ont survécu aux déportations, à leur sentence en Sibérie, et on pu rentrer chez eux et raconter leur périple. Beaucoup d’autres ne se sont pas rendus à cette étape. Je précise aussi que ces gens qui témoignent étaient enfants au moment d’être déportés, ce qui donne une autre perspective à ce qui s’est passé, et ajoute souvent un ton un peu candide que j’ai bien aimé. Les priorités des enfants ne sont pas celles des adultes, mais la force de caractère d’un enfant est impressionnante!
Allons-y très simplement et de façon anonyme puisque pour moi, ces gens courageux qui ont pris la parole représentent les milliers d’autres qui n’ont pas eu cette chance. Je mélange aussi des éléments de plusieurs histoires ensemble pour en faire une complète, plus générique, parce qu’il y avait souvent des trous dans celles rapportées. Ça donnera donc une bonne idée de plusieurs situations possibles, et je trouvais que c’était plus respectueux d’utiliser des personnages fictifs pour, à travers eux, démontrer ce que des milliers ont vécu.
Une petite fille estonienne de 12 ans, ses deux frères cadets et leur mère sont arrêtés lors de l’opération Priboi. Leur père avait déjà été déporté un an plus tôt parce qu’il avait combattu au côté des allemands lors de la Deuxième Guerre Mondiale. Les soldats sont entrés dans leur maison de Tallinn à l’aube, ont crié de leur montrer leurs pièces d’identité, et de préparer une valise. La mère, fière, refuse, dit qu’elle et ses enfants ne sont coupables de rien, et que donc ils seront de retour rapidement s’ils doivent être arrêtés. Un soldat, jeune et compatissant, conscient de ce qui attend la famille, place un drap au sol et commence à jeter des objets dessus, des ustensiles, des vêtements, du pain. Les enfants, surtout le plus jeune, auraient envie de participer, mais la mère les tient fermement, elle ne veut pas céder. Elle ne veut pas faire face à ce qui s’en vient.
La grand-mère se trouve également dans la maison. La mère dit aux soldats que s’ils tiennent tellement à les emmener, ils devront aussi transporter sa belle-mère, puisqu’elle ne peut pas survivre seule. Les soldats se consultent, et amènent la grand-mère aussi. La petite fille ramasse le drap rempli d’objets qui deviendront très précieux, et ils sortent, escortés par les soldats.

Pendant le voyage en train, la grand-mère meure. La petite-fille se sent terriblement mal de penser que ça lui permettra d’avoir plus de nourriture à donner à ses deux frères. Elle doit forcer sa mère à manger. Elle n’a pas parlé depuis qu’ils ont quitté leur maison. L’un des frères pense qu’ils s’en vont retrouver leur père. Il a souvent faim, mais il est content de regarder les rails défiler par les trous du plancher. La petite fille a les jambes engourdies, elle rêve de pouvoir s’allonger complètement. Elle s’occupe du plus jeune frère, qui a le mal du transport. Elle ne sait pas depuis combien de temps le train avance, et combien de temps encore il va continuer.
Lorsqu’ils arrivent et descendent du train, elle a du mal à marcher sur un sol immobile. Elle doit tirer sa mère par la main. Ils suivent le flot de personnes vers une cabane en bois. Dans la foule, elle entend des gens parler estonien, et d’autres langues qu’elle ne comprend pas. Elle tient un de ses frères dans ses bras. L’autre est tout excité et cherche leur père.
Dans la cabane, la famille se fait attribuer un numéro de baraque, qu’ils devront partager avec trois autres familles. La petite fille tente de demander au soldat responsable des attribution si son père est là. Elle ne parle pas russe, alors ne répète que son nom. Le soldat l’ignore, puis perd patience et la pousse. Elle tente d’expliquer à son petit frère que leur père n’est pas là.
Quand ils arrivent dans leur baraque, la petite fille est soulagée de constater qu’une des familles est aussi estonienne, et habite là depuis deux ans. Ils pourront lui expliquer le fonctionnement de ce camp. Une des familles est russe et est aussi là depuis un moment. L’autre est arrivée en même temps que celle de la petite fille. Ce sont des Lettons. Plus tard, des Ukrainiennes viendront s’ajouter à la baraque.
Un des Russes est nommé responsable de la baraque. À chaque semaine, il doit se rendre à la cabane administrative, et rapporter que tous les membres de sa baraque sont présents. C’est pour éviter que quelqu’un se cache ou s’enfuit. Mais, comme l’explique la dame estonienne habituée, personne ne s’enfuirait ici. Elle met la petite fille en garde contre le froid de l’hiver, et regarde avec désapprobation les vêtements qu’elle transporte. Ce ne sera pas suffisant pour résister au froid.
La suite dans le prochain article!

Je viens de terminer la lecture de 13 articles (j’avais un peu de retard…) et j’ai vraiment très hâte au prochain! J’aimerais bien lire ton livre Diaries of… j’ai oublié la suite… ça m’attire! Tout ça est très fascinant et pratiquement incroyable tellement on l’a facile ici!
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Merci! Ça a malheureusement tombé pour toi dans un moment particulièrement « suspens »… je me mets à la suite rapidement!
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Merci pour ces histoires qui nous donnent une idée de ce qui se passait en Sibérie suite aux déportations! C’était assez horrible pour juger sévèrement le sort qui était réservé à toutes ces populations baltes, particulièrement aux enfants. Les Russes en ont épais sur la conscience pour leur soviétisation et leur développement anarchique de la Sibérie!!!
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En effet les enfants surtout ont énormément souffert de la situation!
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J’ai vu peu de films de guerre mais entendre à travers ton texte une petite fille devenue adulte raconter son expérience rend vivant ce qu’ils ont vécu. Épouvantable.
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Ça permet de mêler deux points de vue, la première perspective de l’enfant et celle avec le recul de l’adulte!
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Tu sais comment bien traiter d’un sujet tellement dur avec un respect visible dans tes choix de mots et dans ton approche.
C’est aussi comment très intéressant comment tu prends soins de tes lecteurs en prenant le temps de nous mettre en contexte!
Merci
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Merci beaucoup!
Parfois j’ai l’impression que mes mises en contexte prennent trop de place!
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