Remettons-nous en contexte. La Deuxième Guerre Mondiale vient de se terminer. Dans les tumultueuses années qui suivent, les clans capitaliste et communiste se forment, le rideau de fer naît, l’Europe se scinde. Tandis que la communauté internationale prend tranquillement conscience des crimes nazis et que toute l’attention est tournée vers les horreurs que les Juifs ont vécues, que l’Allemagne et Berlin sont au centre de l’actualité, et que les pays impliqués reprennent leur souffle, quelque part, très à l’est, par-delà les ghettos et les camps de concentration qui sont découverts, et alors que les promesses « Plus jamais » fusent, de nouvelles horreurs se préparent.

Loin de moi l’idée d’écarter ou de diminuer les crimes commis pendant la Seconde Guerre Mondiale. Mais notre sujet des prochains jours a eu lieu après, et c’est là-dessus que je me concentre. Et surtout, ces crimes sont malheureusement tristement bien connus, tout le monde a entendu parler des trains qui menaient les Juifs vers les camps de la mort, que ce soit en cours d’histoire, par des films ou des livres, ou carrément en allant les visiter. Ces événements méritent évidemment d’être reconnus, mais l’ampleur que ça a pris a un peu dissimulé ce qui est arrivé après. Dans l’immédiat après la guerre, les pays de l’Ouest touchés comme la France, la Belgique, l’Allemagne de l’Ouest, se sont concentrés sur les enquêtes, la reconnaissance des victimes, le jugement et la traque des Nazis. Pour se remettre des événements, ils ont en quelque sorte réglé les conséquences rapidement.

L’attention internationale là-dessus, et le contexte du clash entre les idéologies politiques qui se formait de chaque côté de Berlin a dissimilé ce qui se tramait à l’est. Et si aujourd’hui les crimes Nazis sont mondialement reconnus, les déportations de populations de l’Europe de l’Est en Sibérie sont un peu… passées sous silence. De nos jours avec Internet c’est quand même relativement facile de trouver des informations sur le sujet, et sur place dans les pays qui l’ont vécu, il y a des musées et des mémoriaux. Donc ce n’est pas totalement ignoré, mais ces déportations n’ont selon moi pas eu, et pas encore, l’attention qu’elles méritent.

Pourquoi? Il y a plusieurs raisons qui expliquent comment ces événements pourtant marquants ont pu rester méconnus. D’abord le timing n’a clairement pas aidé. C’est à peine 4 ans après la fin de la Deuxième Guerre Mondiale que la plus grosse déportation des pays Baltes vers la Sibérie a lieu (voir le prochain article). À ce moment, ce qui se passait dans ce coin-là n’était pas la priorité à l’international. Et justement, la géographie n’a pas aidé non plus. Ça ne date pas d’hier que l’Europe de l’Est est un peu un trou noir sur une carte! Des Estoniens en danger? Qui? Où? Concentrons-nous plutôt sur la répartition du territoire de Berlin, un endroit beaucoup plus concret. C’est enfin la guerre froide, le combat symbolique entre le capitalisme et le communisme, qui a pris toute la place. Séparer Berlin, l’Allemagne, l’Europe, l’espace, a pris beaucoup plus d’ampleur, la rencontre des deux devenait plus importante que ce qui se passait de chaque côté. Et à l’intérieur du territoire communiste, pour tout mettre en place et assurer la suprématie du communisme, des horreurs, dont les déportations des populations baltes, avaient lieu. Cachées derrière le rideau de fer, derrière les rencontres diplomatiques, les avancées technologiques pour prouver quelle idéologie est la meilleure. Une autre raison serait donc que ça a pris du temps avant que ça se sache. Quand le rideau de fer est tombé, quand l’Union soviétique a éclaté, c’est là que les archives ont pu être rendues publiques. Les crimes nazis avaient des décennies d’avance. Je n’oserai pas parler de crimes soviétiques, puisque ça n’a pas encore été totalement et officiellement reconnu comme tel. Je dirai donc seulement que ce sont des déportations. Finalement, le sujet des crimes nazis a été énormément exploité dans les arts, la littérature et le cinéma. C’est émotif, ça touche de près ou de loin beaucoup de gens, surtout avec la diaspora juive. Des œuvres ont aussi été réalisées sur le thèmes des déportations, mais elles ont eu moins de temps pour s’inscrire à l’international. Les diasporas baltes sont aussi moins nombreuses et populeuses.

Charlie Checkpoint, une des divisions internes de Berlin

La raison pour laquelle je reviens et compare beaucoup avec les crimes nazis est d’abord parce que je trouve plutôt ironique que dans la ligne du temps, ce soit arrivé immédiatement après, alors que l’Ouest se jurait que ça n’arriverait plus jamais. Pourtant, juste à côté, en secret, l’histoire se répétait… Et je dis que ça se répète parce qu’il y a beaucoup de similitudes. La plus grande, certainement, est le côté « train ». Les Juifs, Roms, homosexuels étaient amenés aux camps de concentration en train, les Baltes étaient amenés en Sibérie en train. Dans les deux cas, les conditions du voyagement étaient épouvantables. Ensuite, il y a eu le concept des camps. On sait maintenant ce qui se passait dans les camps de concentration, mais qu’en est-il des camps de travail de Sibérie, mieux connus sous le nom de « gulags »? On connaît le terme, on sait que ça sonne mauvais, mais ce qui s’y passait n’est pas tellement connu. Je dirais enfin qu’une analogie entre les deux histoires est qu’il a pu y avoir de belles fins, et je trouve que ça va être extrêmement important d’en parler, pour contrebalancer.

Bref. Tout ça pour mettre en contexte un sujet méconnu qui a eu la malchance de passer juste après une guerre meurtrière, et dans un endroit très reculé, et qui a fait son apparition sur la scène de l’histoire internationale assez tard. Les traces laissées dans les pays baltes et les diasporas sont pourtant encore bien présentes, et les histoires méritent d’être racontées. C’est ce que je vais humblement essayer de faire dans les prochains chapitres, en m’aidant du musée Vabamu et des témoignages que j’y ai découverts.

Nuit blanche estonienne

7 commentaires »

      • C’est un héritage que beaucoup n’oublierons jamais. Nous , Christophe Colomb découvre l’Amerique Jacques Cartier le Canada, canons sur les Plaine d’Abraham chicane avec les Anlais (très petit résumé) nous sommes tous des humains avec des héritages bien différents je suis contente que tu nous fasses découvrir les Pays de l’Est on est tous sur la même planète.

        Aimé par 1 personne

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