Ou… lettre d’amour aux Balkans

Je me suis fait poser cette question plusieurs fois… probablement parce que j’ai tendance à déménager en Europe. Pourtant, si j’ai désiré et adoré habiter en Roumanie et en Bulgarie, je ne referais pas la même expérience en Estonie. Si une superbe opportunité professionnelle se présentait, et que ça se passait en Estonie, alors, oui j’irais, mais ça ne serait pas moi qui aurait cherché.

J’ai beaucoup aimé l’Estonie comme destination de voyage. Ça remplissait mes critères pour que je sois heureuse de visiter: langue bizarre, blocs communistes, histoire compliquée. Le pays comblerait n’importe quel voyageur, il y en a pour tous les goûts: sports aquatiques, sports de plein air, parcs nationaux, plages, spas et lieux de détente, musées, villages, gastronomie à découvrir. Je ne me suis pas beaucoup déplacée en dehors de Tallinn, mais je vois que ce serait très agréable de vivre dans cette ville, qui abrite d’ailleurs beaucoup d’expatriés venus travailler en informatique (un domaine fort de l’Estonie). À cause de la transition vers l’euro, le coût de la vie est relativement cher pour un pays d’Europe de l’Est (comme ici), mais la qualité de vie accompagne. Comme j’en avais déjà parlé, Tallinn (et toute l’Estonie) est une ville très propre. Le transport en commun est absolument excellent, il y a nombre d’activités pour s’occuper. Les habitants, malgré ce qui semble être une froideur en surface (alors que ça serait plutôt de la politesse), sont très gentils une fois la conversation engagée.

Bref, Tallinn m’a semblé en tous points accueillante, pour un touriste comme pour un expatrié. Par contre, à moins de justement me faire offrir mon travail de rêve là-bas, j’y retournerais seulement en tant que touriste. Il y avait dans l’air de ce pays une saveur plus nordique que slave, qui me rejoint moins. Malgré les blocs, le russe et l’histoire récente, l’Estonie m’est apparue définitivement plus scandinave. Pas tout à fait, vus justement les vestiges slaves évidents, mais le retour aux sources après une cinquantaine d’années d’occupation a fait ressortir à mon avis le caractère nordique associé à la Scandinavie. Le style des maisons de bois m’a plus rappelé la Norvège que celles en Bulgarie, par exemple. Et pour avoir visité des villes côtières en Bulgarie, en Estonie et en Norvège, les ports estoniens et norvégiens semblent beaucoup plus apparentés. La nourriture aussi fait plus pencher l’Estonie vers le nord. Même si quelques mets russes se sont (heureusement!) glissés dans la gastronomie nationale au fil de siècles d’échanges entre voisins, les saveurs locales se rattachent aux plats scandinaves (baies, légumes racines, seigle, sarrasin, etc.). Les gens, de façon très généralisée grands et blonds, semblent descendre des Vikings (on remarque surtout la différence de physique en allant dans des quartiers et villes principalement occupés par des Russes).

Allure scandinave pour ces appartements en bord de mer

C’en est même indéfinissable, mais en marchant dans l’Estonie, en respirant son air au fond froid, une impression, une odeur, la catégorisait dans le Nord. Les brides de russe et le cyrillique, et le vent constant de la mer, me ramenaient dans les pays Baltes. La mélodie incompréhensible de la langue, le mélange architectural qui retrace les contacts des derniers siècles et le boom moderne des gratte-ciel, et cette ambiance impossible à décrire mais qui transparaît dans la douce effervescence de la vieille ville, le bruit des vagues s’échouant sur les îles, l’ivresse du soleil de minuit, enfin, caractérisent l’Estonie. Ni complètement dans le groupe exclusif de la péninsule scandinave, s’éloignant de ses voisins anciennement soviétiques, près des autres pays baltes mais séparée par la langue…

L’Estonie, ce mélange d’influences slaves, scandinaves, allemande, cette rencontre entre le Nord et l’Est. Cette fierté d’un peuple, ces compromis démographiques, ces souffrances surmontées. Cette richesse culturelle, la beauté naturelle et urbaine. Les portes colorées, les trottinettes, les avancées technologiques, la verdure à perte de vue. C’est pour moi ce qui défini l’Estonie, avec en plus cette touche toute spéciale d’y avoir réalisé mon rêve de danse une dernière fois.

Mais pourtant, à choisir, je n’irais pas y vivre. Je retournerais dans les Balkans. La Roumanie, la Bulgarie, l’ex-Yougoslavie, l’Albanie. La sécheresse du Sud, la peau plus foncée qui me désigne comme étrangère, la décrépitude tout à fait séduisante, les villages coupés du monde. Des histoires compliquées de corruption, des tensions ethniques, des guerres pas si lointaines, des révolutions. Des vestiges thraces, des théâtres romains, des minarets ottomans, des blocs communistes. Des siècles de conflits et d’occupations. Je suis tout à fait fascinée par l’histoire des Balkans et le résultat complexe, et j’aime vivre dans ce décor. Ça a été un coup de foudre, et chaque fois que j’y retourne, en voyage ou avec un permis de résidence, mon amour pour cet endroit un peu oublié et mis de côté grandit. Je m’y retrouve dans les langues près du vieux slave, les légendes qui semblent prendre forme la nuit, les couleurs souvent cachées des villes, la chaleur des gens, les ruelles mêlantes. Je me perds dans l’étude des événements, des traditions et des lieux. Je savoure les saucisses grillés et le fromage salé. Je rêve des levers de soleil sur la mer Noire et des couchers sur la mer Adriatique. Je suis nostalgique des frissons en Roumanie quand les loups hurlaient, des coquillages échoués sur les plages bulgares, du linge mis à sécher sur les balcons des blocs serbes. Je n’irais pas vivre en Estonie parce que… j’irais dans les Balkans.

Mer Adriatique en Croatie
Château de la légende de Dracula en Roumanie
Sur le bord de la mer Noire en Bulgarie
Faire sécher son linge à l’air hivernal en Serbie
Théâtre romain en Bulgarie (Plovdiv)
Blocs en Serbie
Village roumain
Ruelle croate

7 commentaires »

  1. Moi aussi j’ai été séduit surtout par la Roumanie. Nous sommes en Islande à Akureyri en ce moment et je me disais justement ce matin que Brasov est une ville vraiment pleine de surprises quand on la visite. Ici c’est la nature et la solitude qui domine comme une suprématie sur l’architecture, l’histoire et l’atmosphère des habitants.

    J’aime un pays qui offre les deux et la Roumanie avait une nature qui m’a pris par surprise.

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  2. WoW un beau tour d’horizon de tes expériences
    de voyages dans les pays qui te passionnent et la qualité de tes observations en plus de tout le travail pour te documenter sur l’histoire de ces pays et pour nous le partager. Bravo très intéressant.

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  3. Pour avoir suivi tes blogues de séjours dans les Balkans, je sais l’attachement que tu as développé pour ces pays. Mais ce qui t’attirait vers ce coin du monde avant d’y aller, ça m’intrigue! Était-ce relié seulement à la danse? Je pensais que oui, mais cet amour s’est étendu à plus d’un domaine?!

    Est-ce que tu irais vivre en Estonie? Malgré tous les côtés positifs de la vie en ce pays tu affirmes que seule « une superbe opportunité professionnelle » ou un « travail de rêve » te ferait accepter d’aller y vivre. Aurais-tu les mêmes restrictions pour les autres pays que tu as apprivoisés? Ou aurais-tu seulement le goût d’y retourner en touriste?

    Mais ma question fondamentale est: qu’est-ce qui serait pour toi « un travail de rêve » avec la formation que tu prépares actuellement? Et serais-tu prête à aller travailler en Europe de l’Est, même dans une de tes tours de prédilection, ou même au Canada, même au Québec???

    Tu n’es pas obligée de répondre à mes interrogations si ça ne te convient pas! On pourrait se parler de ça en privé ou plus tard …. dans quelques ..années! Pas trop tard quand même étant donné mon âge!

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    • Oh là là grosses questions! On pourra en reparler! Mais pour répondre simplement, mon nouveau travail de rêve, maintenant que ma carrière de danseuse est terminée, est ce que je fais déjà: enseigner la danse, et écrire sur l’Europe. La partie « rêve », serait de pouvoir entièrement en vivre! C’est d’ailleurs pour ça qu’il y a de la publicité sur mon blog. Pour l’instant ça ne rapporte pas assez, mais plus il est lu, plus je pourrai éventuellement en faire un revenu! Ce serait un travail que je pourrais faire de n’importe où, et qui justifierait des voyages, pour avoir des nouvelles histoires à raconter! La formation que je fais me donne en plus des outils pour écrire et faire de la recherche, en plus d’avoir une meilleure crédibilité pour parler de l’Europe.
      Et mon amour des Balkans s’est développé par hasard en y vivant. Je n’avais pas prévu aller vivre là, ça a juste adonné comme ça avec les contrats que j’ai reçus!

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