À gauche, le château de Narva, Estonie, à droite, la forteresse d’Ivangorod, Russie

Après un long moment à déambuler dans les blocs, direction l’attraction principale de la ville et la raison de ma venue: la rivière, et la frontière avec la Russie. La ville qui fait face à Narva est Ivangorod (littéralement, la ville d’Ivan) et son attrait est aussi, à l’inverse, la vue sur l’Estonie.

Le paysage est beau, en fait ça fait beaucoup plus campagne que ville. Des deux côtés, il y a des petites maisons colorées entre les arbres, et un occasionnel bloc. Il fait chaud et ensoleillé, l’ambiance est à la baignade et au repos.

Russie. On est loin de l’image grise qui y est traditionnellement associée!

Pourtant, en regardant bien, on remarque que ce n’est pas un lieu de villégiature comme les autres. Dans la rivière, des bouées délimitent la frontière. Sur la rive, des pancartes trilingues (russe, estonien et anglais pour les touristes) rappellent que la baignade est autorisée seulement aux endroits balisés, et que les déplacements en bateau nécessitent un accompagnateur. Des caméras de surveillance sont postées un peu partout. Une ancienne prison soviétique, reconvertie en restaurant, crée une ombre appréciée sur la promenade aménagée.

Jusqu’à 10 000 prisonniers de guerre pendant la Deuxième Guerre Mondiale, puis prisonniers politiques par après, ont été détenus là

Mais le plus impressionnant en terme de surveillance est le pont qui relie les deux rives. Nommé le « pont de l’amitié », il se veut un symbole de la coopération entre l’Estonie, qui représente à plus grande échelle l’Union Européenne, et la Russie. Ce qui est un peu paradoxale étant donnée la difficulté d’accès. La frontière Canada et États-Unis, ce n’est rien à côté de celle-là. Je n’ai pas osé prendre de photo à cause de toutes les caméras et soldats armés, mais il y a des clôtures avec des barbelés en haut qui entourent le pont, et ça se rend jusque dans les rues du quartier, pour s’assurer vraiment que le seul point d’accès peu importe le moyen de transport est par la douane (qui n’est pas directement sur la rive), où les nombreuses autorisations sont vérifiées. Même les Russes ethniques doivent présenter une preuve de leur statut pour passer.

Pont qui mène en Russie. J’ai beaucoup zoomé, alors on ne voit pas bien les barbelés…

Pour moi c’était très impressionnant, c’était mon premier contact avec la Russie! J’ai apprécié le contraste entre l’image paisible, accentuée par le soleil, et l’ombre soviétique, passée et présente, qui planait. Le face-à-face des deux forteresses, chacune arborant fièrement son drapeau, est particulièrement évocateur.

Une petite marche dans le centre-ville de Narva permet de compléter les styles architecturaux. À la forteresse médiévale et aux blocs socialistes s’ajoutent les traditionnelles églises orthodoxes et les bâtiments impériaux des années 1800, beaux de loin mais un peu délavés de près, qui longent la rue principale. Plus en périphérie, où la gare de bus, des petites maisons de bois donnent une touche estonienne au décor.

On complète cette excursion près de la Russie par de la cuisine russe. J’ai choisi le Bublik Caffe parce que c’était dans les endroits recommandés pour manger russe, mais surtout pour le nom. Bublik veut dire bagel en russe, et c’est le surnom donné à un quartier de Moscou où les blocs d’appartements sont construits en cercle (le but était de reproduire le symbole des Jeux Olympiques, le projet ne s’est pas rendu à terme). J’en parle plus ici. Mais évidemment, si j’ai la chance d’aller à un endroit plus ou moins en lien avec les blocs, j’y vais!!

Bublik, Moscou, image prise sur ce site en attendant de m’y rendre en personne!

C’est dans ce café que j’ai pu expérimenter par moi-même la suprématie du russe, doublée des tentatives de rattachement à l’Estonie. Je me suis fait accueillir en russe avec le fameux Здравствуйте, un des mots les plus durs à prononcer (zdrass-tvou-ïtiè) même si c’est le plus utile. Les clients parlaient tous russe. Le menu était en russe et en estonien, mais on peut facilement supposer que l’estonien est là pour la forme et non par nécessité… En tout cas même moi je me retrouvais mieux dans la version russe! J’ai l’impression que c’est un peu l’équivalent des boîtes de céréales bilingues au Canada; en Colombie-Britannique, la section française n’est pas vraiment lue, mais c’est là parce que c’est la loi!

J’ai pris ce qui pour moi est le plus typique, à défaut de pouvoir y goûter en Russie: des pelmenis (nouilles fourrés à la viande, mais on sait pas laquelle), des blinis (crêpes, dans ce cas au saumon cru et fromage à la crème) et pour finir des crêpes aussi mais version dessert, épaisses et fourrés au fromage sucré. Bref, un repas bien gras, et une préférence évidente pour le dessert!

Voilà pour ce petit voyage presque en Russie, dans cette zone grise coincée entre deux pays et qui porte le poids d’une histoire agitée.

La forteresse d’Ivangorod vue depuis le château de Narva

11 commentaires »

  1. Pour ta future visite en Russie, le défi risque d’être d’un tout autre niveau pour y voir l’extrême est et l’extrême ouest…😮

    C’est vraiment plaisant de voyager hors des sentiers battus avec une guide aussi passionnée, merci !

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  2. Tu as vraiment profité de tous les moments de présence à cette frontière que tu avais … tellement envie de traverser, j’en suis certaine, si l’accès avait été plus accueillant sur ce pont « de l’amitié »! Quelles belles photos, encore une fois, même celles de ton repas! Moi aussi j’aurais préféré le dessert!

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    Aimé par 1 personne

  3. Vraiment Bublik les blocs en cercle très spécial surtout la raison de cette construction. Le pont…tout finalement est intéressant, les photos magnifiques et l’histoire que j’aurais jamais connue sans ta passion et ton talent. La bouffe j’aurais goûté à tout.

    Aimé par 1 personne

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