Un 12h d’attente à l’urgence à Québec m’a replongée dans mes souvenirs d’hôpitaux de Roumanie et Bulgarie. J’ai eu la chance de ne pas avoir eu besoin de soins pendant mes séjours, mais j’ai quand même dû faire quelques visites dans le processus d’obtention de permis de résidence. Mes histoires sont donc uniquement basées sur mon expérience personnelle, pour deux hôpitaux précis, alors ça ne représente probablement pas la situation en général dans les systèmes de santé bulgare et roumain.
Une visite à l’hôpital dans les deux pays s’impose pour avoir un permis de résidence, dans le but d’accueillir des gens en santé. Dans mon anecdote de Roumanie, j’ai été prévenue par mon employeur, la veille, que je devais me rendre à tel hôpital, à telle heure le lendemain matin. C’était à environ 1h de marche de chez moi, et comme je n’étais pas à l’aise de prendre le bus, je me suis levée très tôt le matin même pour avoir le temps de me rendre à pied. C’était en février, il faisait froid et il venait de neiger. Matin, froid et neige, mes trois pires ennemis réunis.
Plus je marchais dans la direction indiquée par mon GPS, moins j’avais l’impression d’aller à la bonne place. Je m’éloignais du centre-ville, où les services sont normalement situés, pour me diriger vers l’extérieur de la ville. Brașov, comme beaucoup d’autres villes de l’Europe de l’Est, a connu une forte industrialisation au début du communisme et s’est donc étendue pour rejoindre les villages autour. Sans avoir de plans d’époque de la ville pour vérifier, j’ai eu l’impression que j’étais rendue dans un ancien village autrefois distinct de Brașov. La route était en terre et il n’y avait plus de blocs, mais principalement des maisons dont le style est identique aux maisons que j’avais vues dans des « vrais villages » (reliées entre elles par des clôtures, matériaux aléatoires, toits en tuile, jardins dans les cours, fenêtres un peu ouvragées).

Et c’est au milieu de ce quartier, qui me donnait l’impression d’avoir marché 50km au lieu de probablement juste 3 ou 4, que se trouve l’hôpital. Une petite bâtisse, qui paraît grande avec ses 2 étages parmi les maisons. Elle est anormalement colorée (pas de jaune-hôpital… ici, c’est bleu-pastel-hôpital), et il n’y a pas de stationnement sauf dans la rue. C’est l’hôpital du coin, littéralement, au même titre que le dépanneur du coin.

Je ne savais pas vraiment si le rendez-vous qui m’avait été donné par mon employeur était enregistré dans l’hôpital, surtout que je ne voyais pas de bureau d’accueil. À l’intérieur, il y avait seulement une file d’attente. Je me suis installée contre un mur et j’ai attendu, en observant autour voir comment ça se passait. Des médecins passaient, des gens dans la file les abordaient, et parfois ils repartaient ensemble, parfois ils restaient là. Pas plus folle qu’un autre, quand une médecin est passée proche de moi, je l’ai arrêtée pour lui demander si elle parlait anglais, et oui, donc elle m’a demandé de quoi j’avais besoin. Je lui ai dit qu’il me fallait un papier pour dire que j’étais en santé, pour obtenir mon permis de résidence, et elle m’a dit de la suivre. J’étais sortie de la file!
Son bureau était au 2e étage, et pour un bureau d’hôpital, c’était anormalement beau. Ça ressemblait plutôt à un bureau de chercheur à l’université, ou salon dans un musée. Il y avait une grande fenêtre, un mur couvert de bibliothèques remplis de vieux livres, un squelette, et un divan qui avait l’air antique, style époque victorienne. J’aurais aimé prendre une photo pour montrer à quel point ça ne ressemble pas à l’intérieur typique d’un hôpital!
Je m’attendais à me faire ausculter, ou au moins, à me faire poser quelques questions de routine, mais non. La médecin a simplement rempli un papier qui signifiait que j’étais en santé, ce qui était un pas de plus vers la permission de rester dans le pays. Est-ce que c’est la façon normale de procéder? Ou en tout cas, la façon normale d’un hôpital de village? Est-ce que j’ai eu un passe-droit? Est-ce que je suis tombée sur quelqu’un de bonne humeur qui a voulu me faire plaisir en me donnant vite ce qu’il me fallait? Ou quelqu’un qui a négligé de faire un travail complet, et qui s’est fié sur mes joues rouges qui me donnaient l’air d’être resplendissante de santé, alors que j’étais juste frigorifiée? (Ah oui, le chauffage n’était pas vraiment fonctionnel.) Aucune idée, mais je n’allais pas me plaindre d’être passée aussi vite!
Par contre, quand j’ai apporté le papier à mon employeur, il m’a dit que ça ne fonctionnait pas, ce n’était pas la bonne phrase que la médecin avait écrite, alors ça ne serait pas accepté par le bureau de l’immigration. Il m’a écrit la phrase exacte, et le lendemain matin, j’ai refait une marche hivernale, je suis retournée dans le village avalé par la ville, et, investie d’un culot dont je ne me serais jamais cru capable (habiter dans un pays étranger rend moins timide), je me suis directement rendue au bureau de la médecin qui m’avait aidée la veille. Coup de chance, elle était là, et elle m’a reconnue (il doit y avoir très peu de patients étrangers dans cet hôpital du coin). Je lui ai expliqué qu’il fallait absolument qu’elle écrive une phrase précise sur mon papier, et on a convenu toutes les deux que la bureaucratie est bien étrange. Je l’ai chaleureusement remerciée, et je suis repartie avec le précieux papier qui garantissait, par mots dictés et écrits à la main, que j’étais assez en santé pour avoir le droit de rester.
J’ai eu l’impression que de parler anglais et d’aller dans un hôpital éloigné m’a aidée à passer cette procédure administrative plus rapidement et facilement, et c’est peut-être pour ça que mon employeur m’a envoyée là. Mon expérience en Bulgarie a été bien différente, comme vous pourrez le constater dans le prochain article!
Je ne me souvenais plus de cet épisode. Ce qui est important ce n’est pas ta santé mais les mots. Tout est tellement faux🙃
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