
J’ai été deux fois en Pologne. La première fois, c’était carrément mon premier voyage seule, et de toutes les affaires qui auraient pu me stresser, la pire, c’était mes déplacements en train. Me promener à 1h du matin dehors dans une ville inconnue, sans données cellulaires? Pas de trouble. Prendre un train d’une ville à une autre? Méga angoisse.
À ma défense, à ce moment, mes connaissances linguistiques du slave se résumaient à quelques cours de russe, et le polonais c’est la langue slave qui a le moins d’affinités avec les autres. C’est la tante excentrique de la famille qui est pas là souvent. Juste visuellement, elle semble avoir beaucoup plus de lettres que nécessaire dans les mots. C’est du slave qui se sent un peu fancy. Bref, même avec du russe en tête, ça ne m’aidait pas beaucoup. Et je parle de ça, parce que le gros de prendre le train, ça se passe dans la gare. Ça a probablement changé depuis, mais dans le contexte où je n’avais pas de cellulaire qui fonctionnait hors réseau, je devais absolument acheter mes billets sur place. Donc, trouver le bon guichet (dans les grosses villes, à ne pas confondre avec le guichet qui vend des billets de métro…), trouver la bonne ville, l’heure, tenter de les baragouiner, acheter le billet (tenter de comprendre le prix), puis surtout, trouver le bon quai et la bonne plateforme. Dans des grosses villes comme Varsovie, c’est affiché en polonais et en anglais. Par contre, dans des petites villes et villages (j’aime bien sortir des sentiers battus et me compliquer la vie), c’est écrit juste en polonais. Quand c’est écrit. Parce que parfois, les concepteurs de gares ne jugent pas nécessaire de numéroter les plateformes quand il y en a juste 2 et que c’est pour un village de quelques centaines d’habitants de toute façon.
Alors, plein de stress potentiel. D’abord, comme je ne pouvais pas acheter mes billets d’avance, j’avais peur de ne pas avoir de place. Et surtout dans le cas d’une correspondance, je ne pouvais pas arriver vraiment d’avance. Mais finalement je n’ai jamais eu de problème. Au pire, et c’est arrivé juste une fois, je fais le trajet debout. Ensuite, j’ai pris l’habitude de traîner du papier et un crayon proche, pour pouvoir écrire ma destination et l’heure du train que je voulais, pour faciliter les échanges au guichet. Et, à force de l’entendre, j’ai rapidement appris comment dire l’heure, la plateforme et le quai. Au final, je n’ai jamais eu de mauvaise expérience en train, une fois que j’ai compris comment ça fonctionnait, et comme moyen de transport, ça s’avère être très relaxant. Il y a quelque chose d’hypnotique à regarder le paysage passer. Ça ne fait pas les meilleures photos, mais ça offre des points de vue surprenants d’une ville, et quelques rencontres au travers.
Comme les quartiers autour des gares ne sont généralement pas les plus aisés et sont aux abords d’une ville, j’ai pu voir avec plaisir de magnifiques spécimens de vieux blocs!

À mon premier séjour, c’était l’été, la chaleur apportait une sorte de langueur. Trop en sueur pour avoir le goût de bouger, je regardais les champs, entrecoupés de villages, reconnaissables de loin par le clocher d’une église. C’était entre Giżycko et Varsovie, au nord-est du pays. J’avais lu que dans la forêt plus loin se trouvait la Tanière du Loup, un repère d’Hitler, et je me disais que peut-être, sans savoir, je passais devant.
Une occupante de la cabine, qui me voyait plisser les yeux à cause du soleil, m’a suggéré de tirer les rideaux, mais je lui ai dit que j’adorais visiter un pays de cette façon, regarder les paysages défiler sur un chemin que seuls les trains et les voyageurs qui aiment se déplacer au ralenti (train polonais = rien à voir avec les TGV) empruntent. A suivi une discussion avec cette fille qui travaillait dans une agence d’immigration et rentrait chez sa famille dans un village de la Mazurie. D’autres passagers, moins bavards (ou moins anglophones!) m’ont aussi marquée en m’aidant à transporter mes trop nombreuses valises.
Mon deuxième voyage, cette fois en janvier, m’a apporté un point de vue différent. Je grelottais dans les cabines sans chauffage, les champs étaient couverts de blanc. Beaucoup plus détendue, il m’arrivait de m’endormir, de me réveiller en sursaut en ayant peur d’avoir raté ma destination. Je notais le nom des endroits que mon train allait traverser pour les cocher au fur et à mesure. Cette fois-là, mon point de départ avait été Bratislava, en Slovaquie, avec un bref arrêt à Brno, en République Tchèque, avant de traverser la Pologne pour me rendre à Lublin. J’ai su que j’avais passé la frontière et que j’étais rendue en Pologne quand j’ai commencé à voir ce genre de lieu sur les panneaux:

Voir trop de lettres, c’est annonciateur de la Pologne.
Je n’ai pas souvent repris le train depuis la Pologne. Les autres voyages, je les ai majoritairement faits en bus. Et même si les trains ont d’abord été une grosse source de stress, j’ai appris à apprécier leur lenteur et leur manque de confort, qui permettent de prendre le temps de voir le pays, de voir l’envers des villes, de traverser des champs et des villages vieux de plusieurs siècles. Je pense que le monde des gares est extrêmement authentique. C’est à la gare d’un minuscule village de la Mazurie, au nord de la Pologne, que j’ai mangé les meilleurs pierogis maison. On dirait que ce sont les mêmes trains qui roulent depuis la construction des chemins de fer. Si il n’y a pas d’appareils électroniques dans les parages, on croirait littéralement voyager dans le temps. Je repense à ce coucher de soleil aveuglant, aux maisons abandonnées près des vieilles gares désertes, à la neige qui recouvre à moitié les pancartes, et je m’ennuie de cette Pologne ferrée.
Nous aussi, nous avons découvert le plaisir de voyager en train dans les Europes.
Plusieurs fois même, nos vélos sont montés à bord sans même devoir enlever toutes nos sacoches.
Ben plus fun que l’avion, et surtout plus meilleur pour la planète ! 🤓
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Économique aussi… et c’est moins stressant d’avoir toutes ses affaires à porter de main!
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